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Garawal (amud o' awal)
J'éjaculai un texte différent de tout ce que j'avais écrit jusque-là : un crépitement de balles et une montée de hurlements étouffés. Par ce texte je compris que je devais m'engager une fois pour toute dans la voie de la guérilla linguistique ! Mais je devins complètement fermé pour autrui.
[...]
Je n'écoutais plus que le rythme saccadé des choses................{dixit Khaïr-Eddine}
(*) graine de parole - blog à céder !

laseine FreeCompteur.com
dimanche, octobre 30, 2005

10/30/2005 - Passé imparfait éblouissant

Le ciel était une mamelle de vache hollandaise gonflée, qui pendait très bas, prometteuse de pluies abondantes. Ces pluies d’octobre auguraient d’une bonne récolte.
Tes hommes avaient garé le 4x4 contre la falaise et installaient leurs instruments de mesures topographiques et leurs appareils audio-visuels. Le calligraphe dessinait des w, des g et des o sur des polaroïds du flanc de montagne saisis sur le vif. Il dessinait des formes qui lui ressemblaient, à moins qu’il ne ressemblât aux formes qu’il dessinait.
L’homme au costume Prince de Galle, financier du projet, se frottait les mains et répétait inlassablement : - révolutionnaire, sublime, grand.
Toi, tu ne pensais qu’à te venger de cette région maudite qui t’avait donné et repris tes amours et tes rêves. Tu connaissais assez cette montagne pour la haïr. Et ta haine était à la mesure de ton amour … sans limite, comme ces lieux.
Tu savais mieux que toi-même que rien ne pouvait arrêter ton désir de vengeance, qui t’avait donné la force de conviction pour obtenir de Google le prix de sept années de récolte en échange de sa publicité sur le flanc de cette montagne. Tu avais invoqué la parfaite visibilité depuis l’autoroute longeant le fleuve, depuis le port et depuis l’aéroport à quelques lieues de là. Tu avais même trouvé des arguments éthiques, humanitaires, de développement durable, de commerce équitable, écologiques, pratiques et même sentimentaux. Une publicité géante qui déserterait la ville, usée et abusée, pour les champs. Une publicité écologique, calligraphiée sur le flanc de montagne avec une tendeuse sur du gazon.

Le vieux forgeron Aïssa Aït Yafelman se dirigeait lentement vers toi. On lui devinait un sourire au bout des lèvres. Il avait l’air de t’avoir pardonné. Les pauvres pardonnent tout sauf l’échec.

Le vieux : - Merhba, tamazight (bienvenue, pays)
Toi : - Bonjour, pays. Qu’est-ce qui vous amène ?
Le vieux – J’ai appris des choses, pays.

Les souvenirs te submergèrent. Son verdict à ton encontre, te condamna jadis à rester avec tes souvenirs comme seule compagnie, te fut longtemps insupportable, harcelant, lancinant comme un mal aux dents, comme une piqûre de scorpion. Il sonnait dans ta tête, distinct, comme s’il venait d’être prononcé à l’instant : « Mohand Aït Yafelman, tu es ici chez toi mais tu n’es plus des nôtres »

Comment tant de Bien et de Mal pouvaient-ils cohabiter dans une seule et même personne ? Ce vieux forgeron t’avait beaucoup pris mais il t’avait énormément donné aussi. Ses soins (il était sorcier à l’occasion) te firent retrouver lentement la santé suite à une piqûre de scorpion. Tu avais alors à peine dix ans. Ses décoctions d'herbes drainèrent le venin de ton corps en y laissant un peu pour te défendre contre toute nouvelle piqûre.
Tu ne craignais plus les scorpions et tu exhibais fièrement tes cicatrices sur les bras et les mains à tes clients potentiels : des hippies qui avaient retrouvé de la spiritualité dans cette paradise valley et gagnaient un peu d'argent en revendant le venin aux laboratoires pharmaceutiques et des artisans des plaines qui plastifiaient les scorpions dans des porte-clefs souvenirs pour touristes pressés. Ta technique était bien rodée et tu la gardais jalousement. Tu t’approchais du scorpion. Avec ton bras tu répétais des mouvements circulaires au dessus de sa tête jusqu’à ce qu’il finisse, désorienté, par répéter à son tour ces mouvements … C’est à ce moment que l’autre bras intervenait, implacable. Ton autre main le saisissait par surprise par la queue et le poussait dans la boîte d’allumette vide préparée à cet effet.

Les souvenirs appelèrent les souvenirs sans logique apparente.

Tu étais sur le point d’atteindre ta maturité. Tâaza, la vieille fille du village désespérait de trouver un mari. Elle devait aller sur ses vingt printemps. Elle était trop jolie pour être fidèle, pensaient les hommes. Personne n’en voulait comme épouse.
Elle avait décidé de te prendre dans ses filets. Son stratagème était sans faille. Son complot était en marche et rien ne pouvait l’arrêter. Elle avait déchiré sa robe au niveau de la poitrine et la portait ainsi sous son Melhef depuis quelques jours. Elle te traquait et guettait le bon moment.
Rêveur, tu contemplais une fleur de ruine, aussi solitaire que toi, sur le rocher de Anrar. Les femmes du village revenaient de la forêt de thuya, les dos courbes, chargées de racines qui servaient à la cuisson des galettes d’orge dans la Tafanrout. Elles se faisaient affûter leurs machettes par le vieux Aïssa, perché sur un rocher d’où la vue était plongeante sur Anrar.
Tâaza déclencha son plan : elle laissa tomber son Melhef, se jeta sur toi et t’étreignit en poussant des cris et des gémissements de jouissance. Tu t’extrayas de son emprise et sans réfléchir, tu disparus dans l’oliveraie. Les femmes accoururent et ramenèrent Tâaza dans la maison de son père. Si Aïssa alla dare-dare convoquer une assemblée des villageois sous le noyer près de la mosquée.
Des cimes d’un figuier, tu observais à présent le silence de plomb, entrecoupé de chuchotements et de messes basses. Cela dura un long moment, une éternité … avant que si Aïssa ne brise le silence :
- Mes frères ! Nous sommes à moins d’une demi-lune des moissons. Dieu nous a couvert de baraka et de bienfaits. La twisa s’annonce obscure. Au nom de notre ancêtre commun, Sidi Ali Aït Yafelman, les mains habiles qui ont joliment assemblé les innombrables nœuds de ce tapis peuvent les défaire.
- Honneur à Sidi Ali Aït Yafelman, renchérit le père de Tâaza. Il soupira avant d’ajouter : si on nous demande la main belle et habile de notre fille, Dieu aura pardonné ce qui fût et Si Aïssa aura fixé la dot.
- Honneur à Sidi Ali Aït Yafelman et paix à son âme ! répondit ton père, acculé. La dot de Si Aïssa sera la nôtre et la nuit sacrée du dernier jour des moissons sera celle des noces.
Ils lirent la khatima à voix mi-basse avant de vaquer, sereins, aux préparatifs des moissons et des fêtes. Ton sort était scellé. La suite n’était plus qu’une somme de détails que les femmes du village allaient s’empresser de régler.

A présent c’était la belle Mammas qui t’essorait la mémoire.
Les jeux de séductions chez les Aït Yafelman étaient autorisés pendant l’adolescence mais bien codifiés et circonscrits. Ils avaient lieu autour de la source du village avant le coucher du soleil. Chaque fille plantait son pied de piments et en prenait grand soin. Les garçons observaient en se tenant à une distance respectueuse. Parfois, des joutes orales avaient lieu. Les textes parlaient toujours d’amour. Des mots polysémiques, enfantins, intuitifs et naïfs. Des séances de créativité où les Raïss-troubadours puisaient leur art et où les alliances matrimoniales, bien que téléguidées et largement encadrées par les familles, enfantaient l’amour.
Mammas t’avait désigné pour manger ses piments. C’était son défi pour démontrer ton courage et mériter son amour. Tu l’avais relevé au prix d’une grande souffrance. Depuis, cette femme, telle la nouvelle colonisation, occupait définitivement toutes tes pensées.

Le soir des noces avec Tâaza, Mammas occupa encore tes pensées. Tu ne sauras jamais si cette larme qu’elle versa lors de son départ précipité dans la grosse voiture de l’émigré fût pour toi ou pas.
Les hommes dansèrent Ahïdous toute la nuit sur la terrasse. Les femmes s’agglutinèrent derrière ta porte et te narguèrent de leurs chants pour avoir le drap maculé.
Au petit matin, Tâaza, folle de rage, sortit et annonça à la foule qu’elle était vierge intouchée et qu’elle fut offerte à un eunuque.

Après consultation des autres, le vieux forgeron prononça son verdict à ton égard :
« Mohand Aït Yafelman, tu es ici chez toi mais tu n’es plus des nôtres », annonçant ainsi du même coup la fin des festivités. Cela signifiait que tu ne pouvais plus prendre d’épouse ni posséder une maison ou des terres.
Les Aït Yafelman n’appréhendaient ni l’homosexualité ni l’impuissance. Quand leurs signes se révélaient chez un homme, celui-ci devenait tout simplement l’eunuque du village à l’image de l’idiot du village. Il était le bienvenu chez tout le monde. C’était même un honneur et un privilège pour un homme d’avoir l’eunuque dans le lit de sa femme. Celle-ci te conduisait sur la berge du fleuve, te lavait, te parait et te parfumait, puis vous reveniez à la maison vous ébattre à même le sol, sur une natte en osier, les pieds en l’air, en chantant des poèmes qui décrivaient la beauté des corps et la joie du plaisir charnel.

C’était la période de l’éblouissement, des amours purs, sans autre finalité que l’amour et sans possession ni jalousie. Jusqu'au jour où une femme possessive et jalouse se laissa engrosser par toi et te dénonça comme faux eunuque. Tu fus banni et tu partis vers l’Europe sur les traces de la seule femme que tu aies jamais aimée, Mammas.

Souvenirs, souvenirs … ils s’entremêlaient inextricablement dans ta petite tête.

Le vieux – Tu as fait quoi de tes trente ans d’absence, pays ?

Le film de tes années d’exil défila en accéléré :

Tu avais voulu être anthropologue. Des années de labeurs. Une monographie sur « le rapport des Aït Yafelman au temps et à la mort » en guise de thèse de doctorat, soutenue à la Sorbonne avec les félicitations du jury. Tu fis financer sa publication chez l’Harmattan. Quatre cents exemplaires dont une trentaine vendus. Une bonne moyenne. Tu étais sur le point d’obtenir ton poste de maître de conférences mais t’étais déjà lassé.

Tu t’es fait jardinier. Là, tu pouvais laisser libre cours à ton imagination exubérante.
Tes projets étaient souvent fous. Tes lieux improbables. Aucune considération, aucun réserve à leur égard ne t’arrêtaient. Tu aimais à dire : la nature est toujours plus forte que tous les raisonnements. Tes plantations finissaient toujours par proliférer. Elles affichaient leurs traumatismes urbains de manière inquiétante. Tes jardins déstabilisaient mais finissaient par démolir les certitudes, et par s’installer et séduire.
Tu parcourus des villes aux noms lointains et sérieux tels que Prague, Barcelone, Paris, Rome, Berlin ou Amsterdam. Aucune ne te semblait faite pour les amours immenses toi qui étais en permanence à l’affût du visage de Mammas. Partout où tu te rendais, tu rentrais dans une librairie et tu demandais un roman d’amour bien triste, avec des souffrances terribles et un happy end … Ta part de superstition … T a manière de juguler le hasard.

Tu t’es encore lassé et tu t’es mis à la photographie.
A quoi bon photographier ce qui est beau ou photogénique ? C’est un plagiat facile et inutile. La copie n’effleure jamais la beauté de l’original. Il te fallait l’impossible. Des objets non photographiables. Des points de vue non praticables. Tu voulais rendre beau ce qui ne l’était pas déjà, sinon rien.
Tu avais réussi plus ou moins à en vivre. Tu acceptais des commandes purement alimentaires pour la publicité.

Le vieux – Yafelman est le nom de notre ancêtre commun, pays. Il signifie « l’eau est la source de tout » Mais il n’est pas facile de gagner son amitié !
Toi – Quelque chose me dit que vous n’êtes pas venu jusqu’ici me parler de notre nom, pays
Le vieux – J’entends ce qui se dit, pays. Et je suis venu te mettre en garde. Les Aït Yafelman ne capitulent jamais. Ecoute-moi pays.
Pendant ton absence, d’énormes machines ouvraient des routes le long du fleuve en avalant une bonne partie de nos terres. Les Aït Yafelman ont ravagé les arganiers, qui nourrissaient leurs chèvres, sans scrupule et sans autre but que l’enrichissement rapide, pour produire du charbon de bois. Quand ils en avaient fini avec les arganiers, ils se sont attaqués à la chose la plus sacrée pour nos ancêtres : les oliviers millénaires. Ils ont cultivé la banane naine sur les berges à la place des oliveraies.
Quand survint la première saison des pluies, l'eau charriait les bananiers et emportait la terre qui n’était plus liée par les racines des arbres. Le fleuve a perdu la raison et les crues se furent plus fréquentes et plus destructrices.
Les Aït Yafelman se sont retrouvés à lutter contre l’eau qui à chaque nouvelle averse, ou crue, emportait la terre. Eau, ennemi, destructrice en saison humide, rare en saison sèche. Ils savaient maintenant que les ancêtres avaient sacralisé l’olivier pour protéger la terre et par ricochet la tribu. Ils n’avaient pas pour autant capitulé. Ils défrichèrent le flanc de la montagne, creusèrent une source d’eau plus haut et aménagèrent des canaux d’irrigation. Ils poussèrent les barques qui servaient au commerce de la banane dans le fleuve et effacèrent leurs traces sur la plage.
Le vieux soupira
- Ecoute-moi bien, pays. Nous nous réconciliâmes difficilement avec l’eau, la terre et le ciel. Qu’es-tu venu faire ?
Toi – Un beau projet pour le pays, pays.
Le vieux – Je crains que ce ne soit le coup ultime, pays. Ecoute-moi une dernière fois, pays.
Le vieux maudit tous les misérables nuisibles qui ont profané cette œuvre millénaire. Il tendit sa canne horizontalement, fit lentement un tour sur lui-même, puis te lança avant de rebrousser chemin :
- Ici, nos ancêtres ont bâti une œuvre superbe. Une harmonie de tous les éléments. Une beauté. Un chef d’œuvre de grâce impossible à reproduire même en imagination.


Rome 27 octobre 2005

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jeudi, octobre 13, 2005

10/13/2005 - Tangible Dreams II

Crédit : Mathieu Aimard (Merci l'ami)


Le plus vif du tangible est la chair
Le plus vif du tangible est la chair
Le plus vif du tangible est la chair
TEILHARD

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mercredi, octobre 05, 2005

10/05/2005 - Tangible Dreams I

relais
Et si vous retardiez le temps ?
Le merle est allé vous filmer chez vous à votre insu.
Il lance une série ramadanienne. Le premier épisode trace dix portraits de la blogoma.
Le merle est passé outre les autorisations d'usage. Courageuse la Seine par cet automne froid hein ?
Toute ressemblance avec des faits ou des personnes privées que l'on pourrait y apercevoir n'est pas entièrement fortuite et est la volonté de l'auteur.






1 - Larbi contemplatif scrutant l'hrizon de la blogoma
2 - Loula nostalgique de khmis btata à la recherche d'une nouvelle destination. A moins que ça ne soit Houda au Hammam pensive, cherchant le nouveau personnage ? le technicien a oublié d'étiqueter. Toutes les deux sont étranges et éternellement et partout étrangères.
3 - Manal amoureuse. Pas le droit d'en dire plus sinon je me prends le mur.
4 - Ayoub calmé par le ramadan, à la recherche une nouvelle idée folle.
5 - Guerbouz, faisant monter la sauce de son inspiration dans son atelier. Vous avez dit triste !
6 - Dayzin b'jouj aw tolata aw roba' ! Il faudra beaucoup de patience pour voir le bout de leur nez. Mais leur talent est visible. Je ne dirais pas qui est qui.
7 - Garamud dans son chiotte aménagé pour ramadan, scrutant le regard de Dieu en tirant rageusement sur sa clope.
8 - Najlae, The Purple Rose of Berkeley, tourmentée.
9 - Laseine le jumeau de garawal, maladroit, absent, tristeheureux.
10 - Et biensûr la plus Zwina la poetesse. Malheureusement ou heureusement, ses lumières sont impossibles à capturer même avec nos appareils dernier cri. Lumière sur lumière vous dis-je.

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lundi, octobre 03, 2005

10/03/2005 - Ramadan Karim (Deschiens)







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